BAILLON NOIR

   

Quand je parle

Ma langue n’est pas noire

Quand je pense

Ma pensée n’est pas noire

Quand j’écris

Mes écrits ne sont pas noirs

Quand je lis

Mes lectures ne sont pas noires

Quand je parle

Mes paroles parlent aux blancs

Qui m’ont pris le bon parler noir

Qui m’ont appris le tronc-parler blanc

Quand je pense

Mes pensées ne pensent pas aux noirs

Que l’on a blessé avec des pensées noires

Quand j’écris

Mes pensées pensent aux blancs

Qui m’ont laissé avec des pensées blanches

Mes écrits sont tout noirs

Quand j’écris

De ce que je suis blanc par défaut

Mes écrits sont tout blancs

De ce que je suis noir de défaut

Quand je lis

Mes yeux ne reconnaissent pas les noirs

Qui sont friands de lecture blanche

Mes yeux ne méconnaissent pas les blancs

Qui sont mendiant de lecture noire

Quand je ris

Mon rire n’est pas rieur

Du sort qu’endurent mes frères noirs

Mon rire n’est pas moqueur

Du tort qui perdure sur mes frères noirs

Quand je crie

Mes cris n’ont pas l’encre blanche

Qui a gribouillé en blanc le sort de mes frères noirs

Mes cris n’ont pas l’ancre noire

Qui a grappillé en blanc le sort de mes frères noirs

Quand je rêve

Mon sommeil me réveille

Si je me vois en grand blanc

Mon sommeil se réveille

Si je me dévoie en petit noir

Quand je me réveille

Mon réveil reste endormi

Sur ce passé noir que le soleil blanc à brûlé

Mon réveil reste assombri

Par ce passé blanc que le soleil noir a consumé

Quand je marche

Mes pas me rappellent

La victuaille troquée pour mes semblables noirs

Mes pas se rappellent

Les Négrailles chargées par des vraisemblables blancs

Quand je m’arrête

Mes mains me poussent à délier

Ce bâillon noir prévenu noir sur ma bouche noire

Mes pieds me poussent à marcher

Sur ce bâillon noir prévenu blanc sur mes couches noires

Quand je parle

J’entends les cris de tous les couguars

Quand je pense

Je surprends les replis de tous les couards

Quand j’écris

Je les entends tirailler avec des corsos

Quand je lis

Je les surprends entrain de tisonner le cosmos

Pierre Emmanuel OMBOLO MENOGA