LA RITOURNELLE DU SEMBLANT

Faire semblant faire semblant

A répétition pas de pause

Avec une constance effrénée

Comme s’il s’agissait d’une passion

Comme s’il s’agissait d’une profession

Faire semblant tout le temps

Sans arrêt sans silence

Sans observer de pause à répétition

Comme si c’était un panneau Non Stop

Comme si c’était autrement impossible

Faire semblant de croire

Parce que l’on est menotté de religiosité

Parce que l’on a peur du diable

Parce que l’on est perroquet de psalmodies

Parce que l’on a le livre en main ou ceint

Faire semblant de surveiller

Mais laisser tout le monde tricher

Mais blesser tout le temps les non-tricheurs

Mais orchestrer tout le temps la tricherie

Mais envoyer tout le temps les gens tricher

Faire semblant de juger

En ne recherchant pas la vérité

En ne respectant pas la justice

En ne brisant pas l’injustice

En ne pansant pas la pauvreté

Faire semblant de construire

Mais ne pas prévoir de fondations

Mais ne pas prévoir de béton

Mais ne pas prévoir de poteaux

Mais ne pas prévoir de charpente

Faire semblant de soigner

Tout en marchant sur son serment

Tout en crachant sur son serment

Tout en piquant la vie du patient

Tout en traquant la vie du bien-portant

Faire semblant de discerner

Sans avoir cherché à dissocier

Sans savoir comment conjuguer

Sans avoir le pourtour cerné

Sans savoir par où commencer

Faire semblant d’avancer

En se servant de la marche-arrière

En se bloquant sur la pédale de freins

En se privant des pas en avant

En se réservant des pas sur place

Faire semblant de travailler

Comme s’il suffisait de le dire

Comme s’il s’agissait d’un discours

Comme s’il n’y avait plus rien à faire

Comme s’il n’avait plus de travail

Faire semblant de tout

De tout comprendre sans apprendre

De tout entendre sans oreille

De tout régler sans appareil

De tout écouter sans entendre

Faire semblant de vivre

Comme s’il suffisait de respirer

Comme s’il suffisait d’inspirer

Comme s’il suffisait de ne pas expirer

Comme s’il suffisait de ne pas soupirer

Faire semblant de se plaindre

Tout en n’étant pas un modèle

Tout en n’étant pas une victime

Tout en n’étant pas un innocent

Tout en n’étant pas une proie

Faire semblant de s’opposer

Tout en complotant avec l’ennemi

Tout en combattant ses amis

Tout en se moquant des témoins

Tout en se taisant pour d’autres besoins

Faire semblant d’enseigner

Comme si cela se décrétait

Comme si cela s’improvisait

Comme si cela du hasard dépendait

Comme si cela du geste suffisait

Faire semblant de lire

Mais ne lorgner qu’à distance le titre

Mais ne faire que supposer le contenu

Comme si le mensonge était une vertu

Comme si l’ignorance ne pouvait être vaincue

Faire semblant de poser un principe

Que l’on détruit avec fermeté

Que l’on s’engage à ne pas respecter

Que l’on s’empresse de piétiner

Que l’on étouffe avec maintes exceptions

Faire semblant d’être fidèle

Comme s’il suffisait de souvent le dire

Comme s’il s’agissait de toujours mentir

Comme si trahir ne faisait plus mal

Comme si mentir ne rendait plus ridicule

Faire semblant d’aimer

En faisant la course à la trahison

En faisant la course à l’oraison

En prenant des pauses pour impressionner

En prenant des pauses pour s’en persuader

Faire semblant de tout

Comme s’il s’agissait d’une passion

Comme s’il s’agissait d’une profession

Comme si autrement était impossible

Comme si autrement n’était plausible

Faire semblant faire semblant

A tout moment à chaque instant

Avec une telle frénésie

Avec une telle énergie

A chaque instant à tout moment

Pierre Emmanuel OMBOLO MENOGA