Le milliard je ne le connaissais pas
Le million c’était déjà trop
Le millier m’étourdissait souvent
La centaine je m’en servais rarement
La dizaine n’était pas pour moi seul
Mais il venu avec ses zéros
Que je devais aligner à la suite
De un jusqu’à neuf ainsi de suite
Pour arriver je ne sais où
Additionner multiplier agencer
J’ai perdu la trace de l’unité
Il m’a soustrait à ma profonde nature
Mon univers a été divisé par ses calculs
Dans lesquels je ne me reconnais pas
Étourdi il m’a ramené à zéro
Avec ses chiffres romains qui sont arabes
Qu’il m’a gracieusement imposés
En même temps que la Bible et le Coran
Une guerre qui n’a rien d’une Sainte m’a déstabilisé
Mes dieux mes ancêtres j’ai dû les désavouer mon identité
J’ai désappris à m’abreuver de la nature
A me fondre dans le chant des oiseaux
A me baigner avec la sueur des marigots
A pêcher à chasser à bêcher à m’extasier
A inhumer les miens sous les échos du tam-tam
J’avais le génie des choses simples
Le grand appétit est dans les petites choses
Les petites choses sont les plus résistantes
Lorsqu’elles sont bien placées mises ensemble
Les plus grandes choses m’ont été soutirées
J’ai tout perdu avec leur arrivée
Les proverbes les contes ma philosophie
Les nuits de danse autour du feu du clan
Les paraboles distillées à la ceinture du baobab
J’ai ôté nos masques pour porter les leurs
J’ai découvert que j’étais nu
Mon buste vigoureux devait être caché
Les poitrines de mes mères et sœurs
Les jambes de mes pères et frères
Ont disparu sous les fibres de leur culture
J’ai perdu la saveur des choses simples
Elles sont proches du vide ou du silence
Ce ne sont pas celles qui font de grands bruits
Qui envahissent la vue ou tous les sens
Les plus grandes choses sont dans les choses simples
J’ai tout perdu dans ce troc
J’ai appris à être pressé
A regarder tout le temps la montre
A trotter comme l’aiguille des secondes
A malmener ma vie dans ce contre-la-montre
Il ne me reste plus rien de moi-même
J’ai tout perdu dans ce voyage
Qu’il a effectué chez moi
Chez nous chez mes parents mes frères mes sœurs
Qui ne me reconnaissent plus
J’en ai marre marre marre et plus
De ne plus savoir qui je suis
De ne plus savoir où je suis
De ne plus savoir où j’en suis
De ne plus savoir si je suis
Je ne peux même pas rentrer chez moi
On me dit que j’ai une autre Nation alizée
Là-bas on dit que j’ai changé de peau
De l’intérieur dans mes gestes et mon parler
Ici je suis l’autre de par mon extérieur
Un grain de sable à peine dans ces milliards
D’être humains avec leurs soucis par millions
Qui s’apercevrait de mes cris même s’ils étaient repris
Par des milliers d’âmes ralliant ma cause
Sur l’humanité je ne peux vraiment compter
J’ai perdu la trace de l’unité
J’ai perdu ma profonde nature
J’ai perdu le génie des choses simples
J’ai perdu mon masque troqué mon identité
J’ai perdu la trace profonde de la sagesse au nom de la vitesse
J’ai tout laissé derrière moi
Mon troupeau n’a plus de berger
Moi berger je fais partie du troupeau
Du troupeau des hommes sans âme
Des hommes sans âme qui n’ont plus d’identité
Pierre Emmanuel OMBOLO MENOGA